Didier Van Caillie évoque le « réservoir émotionnel

Directeur du Centre d’Étude de la Performance des Entreprises (C.E.P.E.), Fondateur et Gérant de Praxis Management Consulting Group SPRL, Didier Van Caillie est aussi professeur à l’université de Liège, et Responsable Académique du Certificat d’Université en Gouvernance d’Entreprise.

En Novembre 2022, il était interviewé par le guichet d’entreprises Partena Professional à propos du « réservoir émotionnel » des PME.

Selon Didier Van Caillie, la situation économique actuelle et la crise que traversent indépendants, PME et grandes entreprises, risque encore de s’amplifier, touchant davantage les « petits » acteurs économiques plutôt que les grands.

L’augmentation des coûts, ainsi que l’augmentation des salaires, ont des impacts importants sur les réservoirs de trésorerie. Pour les entrepreneurs, cette augmentation des coûts pouvait être répercutée sur leurs prix : comme les clients « encaissaient » une partie de cette augmentation, « la diminution de la demande qui en résultait était proportionnellement moindre », explique M. Van Caillie. En ce sens, les entrepreneurs disposaient alors d’un avantage compétitif. Toutefois, cette élasticité tend à disparaître dans de nombreux secteurs : une nouvelle augmentation de prix risquerait d’être soldée par une chute de la demande et, de ce fait, une diminution du chiffre d’affaires.

Face à cette nouvelle problématique, Didier Van Caillie ne considère pas la trésorerie comme unique facteur-clé. Il évoque également le « réservoir émotionnel » comme autre élément mis à mal par la situation économique actuelle.

La capacité de résistance individuelle face à cette succession de coups durs s’épuise. Même avec de la trésorerie, certains dirigeants de PME ne voient pas le bout du tunnel. De plus en plus d’indépendants en difficulté s’adressent au CPAS. Même si cela peut paraître paradoxal, la priorité est peut-être de penser à soi plutôt qu’à sa trésorerie, et de se mettre en capacité mentale de continuer à avancer, aussi lourd soit le fardeau.

Une solution temporaire à ce mal-être pourrait être pour les entreprises de discuter avec leurs collaborateurs de méthodes de paiement dites « plus créatives ». Toutefois, la crise perdurant et s’amplifiant, les reports de paiement devraient d’une part être réalisés sur le très long terme, ce qui risque d’être compliqué à tenir pour les petites entreprises. D’autre part, « le contexte de hausse des taux n’est pas favorable non plus à une discussion avec son banquier », renchérit Didier Van Caillie.

Dans cet environnement, ce spécialiste de la gouvernance d’entreprise s’attend davantage à être témoin de cessations d’activité volontaires plutôt que de faillites ou de procédures de redressement judiciaire. Cela s’explique par le fait que le pays se trouve actuellement dans une situation de quasi-plein-emploi, avec un nombre important d’offres non satisfaites. De ce fait, les indépendants et les dirigeants de PME qui décideront de mettre un terme à leur activité pourront probablement retrouver un travail, selon leurs compétences.

On pourrait assister, à un horizon de 12 à 18 mois, à une vague de transferts de l’activité indépendante vers l’activité salariée.

Malgré les faillites et les cessations d’activité, il existe toujours des PME dites « résilientes ». Au fil de ces dernières années, celles-ci sont parvenues à accumuler un « trésor de guerre », leur permettant de tenir financièrement pendant plusieurs mois.

Ces PME peuvent être :

Des sociétés qui disposent de plus de maturité, et/ou familiales. « Elles “en ont vu d’autres”, leurs activités ne brûlent pas leur capital et elles peuvent compter, par exemple, sur un petit patrimoine immobilier comme garantie», explique Didier Van Caillie à leur propos.
Des entreprises agiles et réactives, qui profitent des opportunités qui leur sont offertes par le numérique, par exemple, qui essaient d’innover et n’hésitent pas à remettre en question leurs modes de production, leur organisation et leurs partenariats à cette fin.

Le shift numérique provoqué par la crise sanitaire précédera d’ailleurs probablement un shift d’efficience énergétique due à la guerre en Ukraine, obligeant les PME industrielles ou d’artisanat à revoir leur processus.

Pour conclure, Didier Van Caillie prodigue un conseil aux responsables des ressources humaines :

Plus que jamais, je crois qu’il faut faire preuve de positivité et de bienveillance dans le rapport aux équipes. (…) Il faudra se montrer créatif et innovant dans les solutions.

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