De 625 à 325 millions : le nombre de colis qui transitent par Liège Airport diminue de moitié

Transcendant les frontières et les distances, l’e-commerce ne cesse d’alimenter la croissance de la distribution mondiale. En constante évolution depuis plusieurs années, le nombre de colis qui transitent par l’aéroport de Liège s’est pourtant réduit de moitié entre 2021 et 2022.

Quelles sont les raisons qui expliquent cette diminution ?

L’abandon de la franchise

9 millions de colis en 2018, 362 en 2019, 549 en 2020, 625 en 2021… Les colis qui transitionnent par Liège Airport n’ont cessé d’augmenter au fil des dernières années, la crise sanitaire et la fermeture des magasins physiques y ayant joué un rôle important.

C’est en juillet 2021 qu’un premier coup d’arrêt prend place, avec l’abandon de la franchise pour les colis de moins de 22€ arrivant dans l’Union Européenne. Cette nouvelle mesure signifie, par exemple, qu’un client qui commande en ligne un produit chinois à 10€ va à présent devoir payer 12,10€ pour le recevoir, par suite de l’application de la TVA.

« Cela a entraîné directement un changement de comportement des consommateurs, mais également un changement dans les déclarations des opérateurs, avec une augmentation du nombre de transits », explique l’administration fiscale.

Ainsi, ce premier changement est à l’origine :

D’une diminution du nombre de colis achetés ;
D’une hausse des déclarations, étant donné que les colis de moins de 22€ ne devaient auparavant pas être déclarés.

Raphaël Van de Sande, Expert Fiscal et formateur à HEC Liège Executive Education, ajoute une autre raison : « La hausse des coûts du transport international due à différents facteurs comme le confinement strict en Chine ou le blocage du canal de Suez. Cela a aussi augmenté les prix des colis transportés ».

Une augmentation du nombre de contrôles des douanes

Si les raisons mentionnées ci-dessus restent valables en 2022, elles n’expliquent pas totalement pourquoi le nombre de colis traités par l’aéroport de Liège a diminué de moitié par rapport à 2021, en passant de 625 millions en 2021 pour atteindre 325 millions l’année suivante.

Parmi les raisons qui peuvent s’ajouter à celles de 2021 se trouvent la guerre en Ukraine et l’embargo sur les compagnies et produits russes.

Toutefois, une autre raison qui concerne plus particulièrement l’aéroport de Liège est expliquée par l’administration fiscale. En effet, celle-ci s’est renforcée et s’est attribuée comme mission la traque des opérateurs frauduleux, augmentant ainsi le contrôle des douanes.

Il y a deux réflexes quand il y a une fraude », poursuit Raphaël Van De Sande. « D'une part, ceux qui veulent frauder cherchent des lieux où l'on est moins surveillé. D'autre part, les opérateurs de Liège ont souhaité s'en séparer, parce qu'ils ne voulaient plus prendre de risque.

Les fraudes douanières

« Nombre d’intermédiaires en profitaient, par exemple, pour déclarer leurs marchandises moins chères, afin de récupérer la partie de la TVA que le client avait déjà payée », explique Raphaël Van de Sande.

Par exemple, un client achète un produit auprès d’un fournisseur en ligne pour une valeur de 100€. Il paye donc 21€ de TVA. Plutôt que 100€, l’intermédiaire déclare que le produit vaut 10€. Il conserve alors la différence entre la TVA payée par le client (21€) et la TVA à payer sur le produit dont la valeur serait de 10€ (2,10€), soit 18,90€.

De la même façon, de nombreux e-commerçants profitaient du « régime 42 », qui leur permettent de payer la TVA dans le pays de destination de la marchandise, plutôt que dans le pays de transit.

« Ce sont donc des colis qui ne sont plus déclarés quand ils arrivent en Belgique mais qui doivent alors l’être à leur destination finale (France, Italie, Espagne…). Et on s’est aperçu que certains utilisaient des numéros de TVA appartenant à d’autres sociétés ou à des coquilles vides, ce qui leur permettait de conserver toute la TVA pour eux ».

À la suite de l’augmentation des contrôles des douanes, deux grandes fraudes font ainsi l'objet d'enquêtes :

La fraude à la TVA qui, comme mentionné ci-dessus, consiste à fausser la déclaration liée au prix de vente en le voyant à la baisse, pour payer moins de taxe ;
La fraude à l'origine qui consiste à prétendre que le colis arrivé en Belgique n’est qu’en transit et est destiné à un autre pays, où la TVA devrait être déclarée, mais ne le sera jamais.

Pas moins de 74 dossiers liés à des opérateurs frauduleux sont en cours devant le Tribunal Correctionnel de Liège. Les plus gros vendeurs encourent jusqu'à 70 millions d'indemnités.

Face au refus de millions de colis à l’aéroport de Liège, certains opérateurs douteux ont déplacé leur activité sur d’autres aéroports européens : « Elle a désormais orienté les fraudeurs vers d’autres aéroports européens soit moins regardants, soit au même stade de développement que Liège il y a trois ans, comme celui de Budapest, par exemple ».

En l’absence de traçabilité du début à la fin de la chaîne logistique et d’échange de données entre pays européens, il semble dès lors aisé pour ces fraudeurs de recommencer le même système dans d’autres aéroports.

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