Aujourd'hui, plus que jamais, les entreprises doivent évoluer d'une gestion centrée sur les indicateurs de performance (KPI) à un management axé sur le leadership transformationnel et sur une compréhension plus profonde de l'humain et de ses besoins. C’est l’opinion que partage Pedro Correa, Docteur en sciences appliquées, auteur, conférencier et intervenant en leadership à HEC Liège, dans une chronique pour l’Echo.
Et cette opinion s’appuie sur des constatations bien réelles : le monde du travail est confronté à des défis croissants. Qu’il s’agisse des burn-out, dépressions, démissions, de la baisse de l'engagement ou du manque d'attractivité des postes, ce sont autant de problèmes qui touchent directement les forces vives des entreprises, à savoir leurs collaborateurs.
Il ne s'agit plus seulement de répondre aux objectifs financiers, mais de reconnaître et de gérer la réalité des enjeux humains. Depuis plusieurs années, les coûts liés aux maladies de longue durée, notamment les dépressions et burn-out mentionnés ci-dessus, dépassent largement ceux associés à la recherche d'emploi.
« Si vous avez votre diplôme aujourd’hui et que vous abordez le marché de l’emploi, sachez que vous avez plus de chance de tomber malade à cause de votre travail que de ne pas en trouver », écrit Pedro Correa dans sa chronique.
Cette situation montre que les entreprises doivent se réinventer pour devenir plus humaines et prendre en compte la complexité des aspirations et des attentes de leurs employés.
L'approche traditionnelle du travail, héritée de la révolution industrielle, a longtemps considéré l'humain comme une simple ressource à exploiter. À titre d'exemple, Henry Ford affirmait qu'il avait besoin de bras pour faire fonctionner ses usines, regrettant presque que ceux-ci soient livrés avec un cerveau. Cette vision déshumanisante a laissé des traces durables dans la manière dont les entreprises gèrent leurs ressources humaines, privilégiant souvent des outils tangibles et quantifiables, comme les KPI, au détriment des besoins émotionnels et psychologiques des individus. Les personnes malades sont d’ailleurs encore trop souvent considérées comme des « pièces défectueuses qu’il faudrait réparer et remettre au travail ou remplacer ». Dans la même veine, elles sont également stigmatisées et traitées avec suspicion, voire parfois même incitées (avec un peu trop de véhémence) au retour à l’emploi.
Cependant, à l'ère de l'automatisation et de l'intelligence artificielle, il devient crucial de repenser le rôle de l'humain dans l'entreprise. Loin d'être une simple variable d'ajustement, le facteur humain est le véritable moteur de l'innovation, de la productivité et de la cohésion au sein des organisations.
« Ces maladies devraient nous aider à comprendre (enfin) que c’est bien ce facteur humain qui tient tout l’édifice entrepreneurial. Qu’il est le sang d’un organisme sans lequel aucun amas de bits ou de servomoteurs ne pourrait tenir longtemps », écrit à nouveau Pedro Correa.
Comme Pedro Correa le mentionne avec les mots de Minouche Shafik, ancienne directrice de la London School of Economics : « Hier nos emplois se concentraient sur les muscles, aujourd’hui sur les cerveaux, mais demain, ils devront faire la part belle à nos cœurs ».
Pour transcrire cette citation de façon plus concrète, les managers actuels se retrouvent face à une génération de jeunes travailleurs dont les aspirations et les préoccupations vont au-delà des simples avantages matériels. Autrement dit, ces collaborateurs fonctionnent avec le cœur. Ils cherchent notamment…
Or, ces dimensions ne sont ni mesurables, ni réductibles à des KPI. Pourtant, elles sont essentielles pour créer une entreprise humaine et vertueuse, capable d'attirer et de retenir des talents.
C’est pourquoi il est désormais impératif de passer d'un management basé sur le contrôle et la productivité à un leadership transformationnel. Ce type de leadership ne se contente pas de diriger à travers des indicateurs de performance, mais cherche à inspirer, motiver et accompagner les employés dans leur développement personnel et professionnel. Il s'agit d'établir une relation de confiance et de soutien, où les besoins humains sont pris en compte et où l'entreprise devient un lieu d'épanouissement, plutôt qu'une source potentielle de stress et de mal-être.
Cela fait donc 200 ans que nous croyons que nos besoins se limitent au matériel (salaires, voitures de société et bonus), et nous avons érigé en boussoles absolues les KPI, oubliant au passage que nos émotions, nos besoins de liens (fraternels et avec la Nature), nos espoirs, nos frustrations, nos rêves ou nos quêtes de sens, tout ce qui constitue en somme notre humanité et alimente au passage notre bien-être, notre bonheur et notre entrain, ne sont ni quantifiables ni tangibles.
En conclusion, le défi des entreprises modernes n'est plus simplement d'atteindre des objectifs financiers, mais de devenir des entreprises humaines, capables de comprendre et de répondre aux besoins profonds de leurs collaborateurs. Pour ce faire, elles doivent adopter un leadership transformationnel, basé sur l'écoute, l'empathie et le respect des aspirations individuelles. C'est à cette condition que les organisations pourront prospérer dans un monde de plus en plus complexe et exigeant.
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Source : Nos entreprises brûlent et nous regardons des « KPI » - Chronique de Pedro Correa, Docteur en sciences appliquées, auteur, conférencier et intervenant en leadership à HEC Liège, pour l’Echo, 21/09/2024
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Jean-Louis Pire, Senior Consultant chez HEC Liège Executive Education, est actif depuis plus de 30 ans dans le domaine de la transformation organisationnelle. Découvrez les raisons qui l’ont poussé à cocréer le Certificat de Spécialisation en Leadership & Management avancé.
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