Au-delà des enjeux technologiques liés à l’usine du futur 4.0, l’industrie 4.0 est également la source d’enjeux humains et organisationnels au niveau de l’emploi, du travail, de l’organisation et des nouveaux champs de compétences requis.
Lorsque les briques technologiques de l’internet des objets industriels et de l’intelligence artificielle font système au sein d’une usine 4.0, il apparaît une continuité numérique avec à la clé des enjeux économiques et politiques forts. Ces enjeux sont de 3 niveaux :
La multiplication des éléments communicants, des flux, des interfaces et le contrôle croissant exercé sur la production via des données transitant en dehors de l’entreprise posent la question de la sécurisation des communications et des systèmes informatiques.
Les dangers multiples ne viennent pas seulement de hackers isolés ou de malfaiteurs, mais aussi d’équipes agissant sous la coupe d’États qui cherchent à déstabiliser certaines entreprises, certaines industries, ou à voler des secrets industriels.
Les besoins de sécurité à l’ère de l’usine 4.0 concernent :
Or, la protection d’équipements interconnectés caractéristiques de l’usine du futur 4.0 pose des problèmes nouveaux :
D’où l’importance d’inciter à la prise de conscience et d’accompagner les entreprises industrielles dans une démarche leur permettant d’appréhender le risque informatique et de réaliser de nouveaux apprentissages.
Une réponse à cet enjeu de cybersécurité consiste aussi à développer des langages d’interopérabilité sécurisés pour l’industrie. C’est un des objectifs de la fondation OPC qui développe l’OPC-UA, un langage interopérable sécurisé dédié aux objets connectés industriels.
Pour se déployer, le numérique requiert le logiciel, de la puissance de calcul et de la puissance de stockage.
La généralisation du numérique propre à l’usine du futur 4.0 conduit à une concentration des systèmes d’information dans l’entreprise, avec une imbrication de plus en plus forte entre la conception des produits et la conception des chaînes de production favorisée par l’utilisation de suites logicielles intégrées. Cette tendance renforce considérablement le pouvoir des éditeurs de logiciels. Les industriels grognent déjà face aux coûts induits par les licences et les montées de version de leurs outils logiciels. Mais qu’en sera-t-il demain lorsqu’ils auront face à eux un interlocuteur unique dont les produits seront, pour une large part, garants de leur efficacité opérationnelle en temps réel ?
Concernant la puissance de calcul et de stockage, cette question du numérique industriel prend une dimension géostratégique avec l’irruption des entreprises américaines, puis chinoises de l’internet dans le jeu industriel. Ces géants disposent de moyens considérables avec des capitalisations boursières de firmes comme Apple ou Google, sept à dix fois supérieures à celles des plus grands groupes industriels allemands.
Un géant comme Amazon est l’un des principaux acteurs du cloud. La migration de toutes les applications informatiques industrielles sur des plateformes externalisées est amorcée, offrant à la fois une énorme puissance de stockage, mais également la puissance de calcul nécessaire aux opérations industrielles.
Cette évolution vers le cloud permet des gains significatifs pour les entreprises libérées de la gestion coûteuse des équipes et des infrastructures informatiques. Mais elle les rend dans le même temps dépendantes de prestataires gigantesques vis-à-vis desquels leur pouvoir de négociation sera très réduit.
En résumé, quelles seront les marges de manœuvre des usines du futur 4.0 face à des acteurs qui détiendront les clés de la relation client via la captation des données d’usage, des flux de produits et de biens, via leur infrastructure logistique, et des données de production, via leurs plateformes cloud ?
Dans l’industrie des biens d’équipements, les fabricants de machines réalisent en général des marges de 25% sur les services et les pièces détachées, alors que leurs machines sont vendues avec des marges inférieures à15 %. Pour le dire autrement, la seule vente de machines ne suffit plus à financer leur développement et leurs investissements.
Or, la menace est bien réelle si leurs pièces détachées se trouvent mises en vente sur des sites d’e-commerce captant une part de la marge, si leurs contrats de maintenance sont « ubérisés » par d’ingénieuses start-ups et si les services informatiques liés à leurs machines sont captés par des opérateurs de plateformes de services industriels.
Dans ce domaine, les américains savourent leur victoire. Sur le stand de Siemens-Mindsphere à la Foire d’Hanovre en avril 2018, SAP a disparu des partenaires centraux, cédant la place à Amazon Web Services. Amazon, connu pour ses colis et ses entrepôts, réalise plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans une toute autre activité : l’infrastructure informatique. Amazon vend du stockage de données et de la puissance de calcul. Les acteurs allemands voire européens n’ont pas encore la capacité pour offrir des services de même qualité en termes de scalabilité.
L’Europe est confrontée à une redoutable problématique de souveraineté numérique. Même si ces acteurs assurent que les données des clients européens restent stockées dans des centres situés en Europe, rien ne garantit que les autorités de leur pays d’origine respectent la confidentialité.
En définitive, la mise en pratique de l’usine 4.0 suscite des questionnements en termes de cybersécurité et de pouvoir de négociation. L’usine du futur 4.0 implique l’interconnexion des systèmes et des machines, ainsi que le déploiement des objets connectés. D’une part, ces technologies ont pour conséquence d’augmenter la « surface d’attaque » exploitable par les pirates informatiques. D’autre part, en mettant les entreprises en contact avec de nouveaux intermédiaires pour l’intégration de logiciels et d’applications interconnectées, elles diminuent le pouvoir de négociation de ces mêmes entreprises face à des acteurs plus importants, qui détiennent les clés de la relation client.
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