Concevoir des espaces de travail pour s’adapter aux nouvelles manières de travailler

L'acronyme “NWOW” désigne les “New Ways Of Working”, ou les nouvelles façons de travailler. Cette philosophie vise à mieux répondre aux besoins et attentes des clients, en responsabilisant et en donnant de l’autonomie aux collaborateurs.

Pour ce faire, de nombreuses initiatives entrent en compte dans la mise en place des NWOW, dont la gestion des espaces. En effet, les discours managériaux sur les new ways of working impliquent généralement une nouvelle vision de l’espace de travail :

L’espace est partagé, c’est-à-dire qu’il appartient à tout le monde, et pas à une personne en particulier. Cette volonté trouve son origine dans le fait que certaines personnes n’utilisent pas forcément leur poste de travail attribué 100% du temps (parce qu’elles sont en télétravail, en déplacement, etc.). De ce fait, une entreprise de 100 personnes pourrait par exemple fonctionner avec 80 postes de travail plutôt qu’avec 100 postes, résultant en des économies de coût pour l’entreprise. Les collaborateurs peuvent donc s’installer où ils veulent dans cet espace partagé, et n’ont pas de bureau fixe.
L’espace est hétérogène, ou divisé en zones de travail dont les finalités diffèrent. Des aménagements vont être mis en place à certains endroits pour favoriser la concentration, des zones de réunion peuvent être créées, tout comme des zones de créativité, de brainstorming, de relaxation… Ces zones sont donc supposées répondre aux différentes attentes des travailleurs. Vous avez des collaborateurs dont le rôle est d’assurer la permanence téléphonique de votre entreprise ? Des zones « bulles » devraient être prévues pour leur assurer calme et concentration.
Les utilisateurs sont nomades dans cet espace, c’est-à-dire qu’ils sont mobiles. Ils peuvent se déplacer d’un poste de travail à un autre. L’objectif est qu’ils ne restent pas au même endroit constamment, au risque de retourner à la situation pré-NWOW. Ainsi, le mode de gestion fonctionne sur base du « premier arrivé, premier servi ».
L’espace est horizontal, c’est-à-dire que les symboles hiérarchiques deviennent de moins en moins visibles. La fonction des personnes dans l’espace ne peut pas être devinée par les collaborateurs qui entrent dans l’espace partagé ; il n’y a pas de signe distinctif de statut.

Les objectifs de cette gestion des espaces NWOW sont :

La création d’un espace de travail cohérent avec l’activité de l’entreprise ;
La favorisation du travail en équipe, d’échanges et du partage informel entre collaborateurs ;
Une meilleure productivité des travailleurs ;
…

Pour que la gestion des espaces NWOW soit efficace et atteigne les objectifs énoncés ci-dessus, il est indispensable que ces espaces et ses conditions d’utilisation répondent aux attentes organisationnelles de l’entreprise et aux besoins de collaborateurs. Pour faciliter la mobilité des travailleurs, cela peut par exemple signifier que la digitalisation des documents doit être encouragée.

Grégory Jemine, chercheur au LENTIC et formateur à HEC Liège Executive Education, a réalisé une étude auprès de deux entreprises belges. Il a suivi l’évolution d’un projet NWOW auprès de ces deux entreprises. À l’aide d’observations et d’interviews avec certains acteurs, il a réalisé une comparaison de leur réussite, notamment au niveau de l’implication des collaborateurs dans la gestion des espaces NWOW.

Dans le cadre des deux projets, certains comportements de contestation ont émergé du côté des collaborateurs, qu’ils soient inconscients ou non :

De « partagé », l’espace est devenu « territorialisé » : les collaborateurs se sont réapproprié certains espaces. D’un côté, cette réappropriation a pu se faire via la personnalisation, à l’aide d'éléments décoratifs. D’un autre côté, certains collaborateurs ayant des besoins spécifiques ont pu s’en servir pour avoir un bureau fixe. Par exemple, une personne ayant des problèmes de dos et nécessitant un siège ergonomique place ce siège devant un bureau spécifique. Cela crée un consensus invisible entre les collègues pour que ça soit cette personne qui s’asseye constamment derrière ce bureau.
D’hétérogène, l’espace est redevenu homogène : les zones créées par fonction sont détournées par les collaborateurs. Par exemple, une personne qui a besoin de téléphoner devrait se rendre dans une « bulle » créée spécialement à cet effet. Or, si les « bulles » sont toutes prises, cette personne va aller dans une autre zone pour téléphoner, peu importe la fonction de ladite zone ; les règles ne sont ainsi plus respectées.
Les utilisateurs restent sédentaires : certaines personnes n’ont pas envie de bouger au fil de la journée, et ne jugent pas cela nécessaire dans le cadre de leur activité. De ce fait, elles restent constamment au même poste de travail.
L’espace n’est pas horizontal, mais « stratifié » : Certains symboles de statut sont rendus visibles. Par exemple, si le manager s’assied toujours à la même place, personne n’osera s’installer à ce bureau quand bien même il serait libre.

Il existe donc un contraste flagrant entre l’idéal de la conception de l’espace NWOW, et sa réelle mise en place. Les comportements de réappropriation et de détournement des espaces semblent dès lors inévitables.

Pour cette raison, les NWOW ne doivent pas spécifiquement représenter un idéal à atteindre, mais plutôt une source d’inspiration à adapter en fonction de l’activité de votre entreprise, de la culture de votre organisation, et des besoins de vos salariés. Vous devez avant tout avoir une bonne connaissance de vos collaborateurs et des personas auxquels ils se rapportent, afin de prendre en compte leurs émotions et de donner du sens aux initiatives NWOW que vous mettez en place.

Vous aimeriez connaître les pièges à éviter dans la gestion des espaces NWOW ?

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