Comment la digitalisation et l’IA transforment le marché de l’emploi

La digitalisation et les nouvelles technologies bouleversent en profondeur le monde du travail. Giseline Rondeaux, Docteure en sciences de gestion et Chargée de recherche senior au sein du LENTIC, centre de recherche affilié à HEC Liège, partageait en décembre 2024 les conclusions d’une étude multidisciplinaire de 4 années dans La Libre ECO.

Comprendre l’impact de la digitalisation sur l’emploi et les compétences

Le projet, baptisé SEAD (Sustainable Employment in the Age of Digitalisation), a exploré les transformations à l’œuvre sur le marché de l’emploi belge et proposé des pistes pour maximiser les opportunités offertes par la digitalisation tout en limitant ses effets négatifs.

Financé par Belspo, ce projet fut mené de concert par cinq centres de recherches issus de quatre universités différentes : ULiège, ULB, VUB et KULeuven.

Une transformation du marché de l’emploi

Sur une période de 35 ans, une analyse du marché de l’emploi belge a révélé des évolutions marquantes. Parmi les secteurs en croissance, on retrouve :

• Les professions commerciales et administratives ;
• Le secteur de la santé, ;
• Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ;
• Les professions juridiques et socioculturelles ;
• L’enseignement.

En revanche, des baisses significatives sont observées dans l’industrie manufacturière et l’agriculture. Ce déclin concerne principalement des hommes peu qualifiés, tandis que les secteurs en plein essor sont dominés par des femmes et des travailleurs hautement qualifiés. Une tendance frappante est la polarisation du marché de l’emploi, marquée par la disparition progressive des emplois moyennement qualifiés.

L’évolution des compétences

Face à l’impact de l’IA sur l’emploi et à la digitalisation, les compétences demandées évoluent. L’étude SEAD met en lumière plusieurs tendances :

• Une demande accrue pour des compétences intellectuelles et technologiques dans les secteurs en croissance ;
• La prédominance des tâches routinières et physiques dans les professions en déclin ;
• L’importance de l’adaptabilité et de l’acquisition continue de nouvelles compétences ;
• Bien que la littératie digitale soit cruciale, les compétences métier restent fondamentales.

Le rôle des organisations dans l’impact de la digitalisation

L’impact de la digitalisation ne dépend pas uniquement de la technologie elle-même. Le contexte organisationnel, les pratiques de gestion et l’implication des travailleurs y jouent un rôle décisif.

Si les technologies peuvent accroitre l’autonomie et enrichir les emplois, une division excessive des tâches peut aboutir à des postes plus monotones. Dans un environnement d’innovation technologique, une évolution organisationnelle adaptée se révèle ainsi être indispensable.

La perception des travailleurs quant à l’impact de l’IA sur les métiers

Le projet SEAD s’est intéressé à cinq professions pour analyser leur réaction face à la transformation numérique :

• Les cadres intermédiaires et responsables R&D perçoivent les technologies comme des outils d’amélioration de l’efficacité ;
• Les ouvriers, recruteurs et conseillers clientèle craignent une menace pour leur fonction et un risque de déqualification.

Les réactions varient entre adaptation proactive et résistance. Ces différences montrent que l’évolution des métiers n’est pas uniquement dictée par la technologie, mais résulte d’un jeu d’influences entre acteurs et usages.

Le travail sur plateforme : opportunité ou précarité ?

Avec l’essor du travail via les plateformes numériques, de nouvelles dynamiques apparaissent. Cette forme de travail présente une grande diversité de profils :

• Certains travailleurs y voient une opportunité flexible pour obtenir un revenu supplémentaire ;
• D’autres, souvent issus de groupes vulnérables, y recourent par nécessité. Ces travailleurs appartiennent généralement à ceux qui n’ont pas de contrat formel auprès d’une entreprise ou qui œuvrent sous le régime d’indépendant. Autrement dit, ils ne bénéficient pas des protections sociales associées à un emploi traditionnel.

Malgré les promesses d’autonomie et de flexibilité, les politiques de gestion algorithmique des plateformes limitent souvent ces avantages.

Une révolution à accompagner

En conclusion, l’impact de l’IA sur l’emploi et l’impact de la digitalisation sur le marché du travail créent des opportunités, mais aussi des défis en termes d’inégalités, de compétences et de qualité de vie au travail. L’accompagnement organisationnel et social est essentiel pour que ces transformations bénéficient à tous. Les entreprises et les travailleurs doivent collaborer pour s’adapter et tirer parti de ces changements tout en réduisant les risques associés.

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Source : Comment la digitalisation réinvente le marché de l’emploi, Giseline Rondeaux pour La Libre Eco, 14/12/2024